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Réseaux Sociaux

Tanaland : un pays imaginaire en réponse aux insultes sexistes et misogynes

C'est quoi Tanaland, ce pays virtuel pour lutter contre le cyberharcèlement des femmes.

Traitées de « Tana », une nouvelle insulte à la mode sur les réseaux sociaux, des influenceuses détournent l’expression pour créer un pays imaginaire « Tanaland ». Un monde interdit aux hommes pour contrer le cyberharcèlement des femmes.

Tana est le diminutif de putana, prostituée en espagnol. Depuis quelques semaines, l’insulte pullule surmot « p*te », désormais interdit sur la plateforme. « Je faisais une pub pour une application de rencontre, j’ai eu environ 800 commentaires de 800 hommes différents qui criaient « tana tana ». Les gens ne se rendent pas compte à quel point la misogynie sur les réseaux sociaux est gravissime. En tant que créatrice de contenu sur TikTok, les gens sont d’une misogynie à vomir, c’est traumatisant. J’ai l’impression qu’il y a vraiment un retour dans le passé, il y a beaucoup de masculinistes, il y a une tendance à parler de « bodycount »… raconte Carla Ghebali, influenceuse sur Tik Tok.

Tana sert exclusivement à critiquer des contenus postés par des femmes. Car ici, ce n’est pas le contenu qui est en jeu, mais le genre de celles qui postent. « On se fait insulter de p*te toute l’année pour tout et n’importe quoi. Une femme qui se maquille : Tana ! Une femme qui danse : Tana ! Une femme qui respire : Tana ! » déplore la tiktokeuse Polska. Un terme en vogue chez les rappeurs, et notamment dans le morceau « Ah Bon » de Niska, devenu la trame sonore du mouvement Tanaland.

Tanaland, la misogynie prise à son propre jeu

Tout est parti d’une vidéo de la tiktokeuse Hadja (@hadja_bh2) où on voit la jeune femme avec sa valise, accompagnée du message : « Moi qui quitte la France pour Tanaland comme on est toutes des Tanas. »

Le terme s’est rapidement popularisé et, pour illustrer et dénoncer le harcèlement et les insultes quotidiennes dont elles sont victimes, de nombreuses femmes postent depuis des vidéos reprenant le message : « En route pour Tanaland ».

Pour lutter contre cette énième manifestation de sexisme sur les réseaux sociaux, les femmes s'approprient « façon Boomerang » l’insulte Tana pour imaginer une safe place pour les femmes. « On a décidé de se réapproprier le mot pour montrer qu’on s’en fiche et que plus aucun homme ne mettra de pression sur nous. » indique Polska. Elle poursuit : « Être contre ce mouvement, c’est juste donner raison à tous ces misogynes qui voudraient nous voir pleurer à chaque Tana lâché en commentaire dans le but de nous persécuter. »

« Liberté, Egalité, Tanacité » : bienvenue à Tanaland

Tanaland est un monde fictif, inspiré de l’univers de Barbie, un pays où tout est rose et où le soleil brille en permanence (pour avoir un vrai bronzage de Tana). Ce micro-État, 100 % Girl Power et interdit aux hommes, est déjà doté d’un drapeau (rose), d’un passeport (rose), d’une capitale « Tana-City », de sa ligne de métro (qui ne sent pas le pipi) et de sa devise « Liberté, Egalité, Tanacité ».

Aya Nakamura est évoqué pour faire office de Première ministre et pour l’hymne national certaines citoyennes de Tanaland suggèrent Santa Fe de la rappeuse Shay qui illustre le mood de Tanaland : « Je représente les pétasses, celles qui choisissent d’être seules. »

Tanaland : un « No men’s land » pour combattre le sexisme

Sur TikTok, près de 18 millions de citoyennes auraient déjà rejoint Tanaland. À la tête de ce monde virtuel, deux présidentes, les tiktokeuses Toomuchlucile et Polska. « Ça m'a fait rire d'être désignée présidente », lance Toomuchlucile. « L'inconvénient, c'est que je suis devenue la cible des personnes qui critiquent le mouvement. Ils ne comprennent pas que Tana, ce n'est plus une insulte, au contraire. »

Car plus qu’un pays, Tanaland est avant tout un mouvement. Une réponse au « slut shaming » quotidien dont sont victimes les femmes. Entendez être stigmatisé en raison de son genre, de son apparence ou de son comportement prétendument provocant. « Être une Tana, c'est simplement vouloir vivre tranquillement. C'est vivre sans le regard des hommes pour nous restreindre dans nos actions et nous insulter de tous les noms. », résume Toomuchlucile. « Toutes les femmes peuvent venir dans le pays et être une tana, puisqu'on se fait toutes insulter. » Tanaland se veut donc une réponse quasi politique contre le sexisme et la masculinité toxique. « L'idée, c'est de dénoncer le comportement misogyne des hommes et de l'utiliser pour en faire une force. On retourne leur arme contre eux pour en faire une force et leur montrer que ça ne nous touche pas. », indique Toomuchlucile. Selon Anaïs Loubère, fondatrice de Digital Pipelettes : « Tanaland, c’est la réponse des créatrices de contenus au sexisme. Visiblement on n’a pas notre place dans votre société puisqu’on n’est jamais assez bien, alors on va créer ce monde qui ne sera que pour les femmes et ce sera un endroit sûr où on aura enfin la paix. »

Le phénomène est tel qu’un élan de sororité souffle sur les réseaux, des groupes de femmes se réunissant et s’unissant via WhatsApp ou Instagram pour échanger entre elles et s'entraider. Il est même prévu d'organiser des soirées Tanaland, uniquement réservées aux femmes. Récemment, un appel a été lancé aux femmes milliardaires pour donner vie à ce pays utopique en achetant une île, par exemple.

Tanaland vs Charoland, où quand les hommes n’ont toujours rien compris

En réponse à Tanaland, certains hommes proposent de créer Charoland, un « pays imaginaire rempli de femmes... où les hommes pourraient agir comme ils le souhaitent. » Une initiative qui n’a pas manqué de faire rire (jaune) de nombreuses femmes pour qui ce pays existe déjà puisqu’elles y vivent au quotidien. « Charoland existe, c’est justement le monde dans lequel on vit. Ça illustre le monde réel dans lequel on vit, ça ne vient que confirmer pourquoi Tanaland a été inventé. La seule réponse qu’ils ont à Tanaland, c’est de représenter toute l’oppression qu’on dénonce. » pointe Marie, créatrice de contenu sous le pseudo Niemesia.

Tanaland existe, il s’appelle Umoja

Au Kenya, les femmes n’ont pas attendu Tanaland. Depuis 30 ans, Umoja, un village exclusivement réservé aux femmes, a vu le jour (seuls les garçons de moins de 18 ans peuvent y vivre avec leur mère). Ce village matriarche est devenu un refuge pour les femmes de l’ethnie Samburu, victimes de violences sexistes et d’abus sexuels. Traditionnellement, chez les Samburu, « une femme ne peut pas être debout quand un homme est assis. Elle ne peut pas prendre la parole avant lui. Et si son mari veut la tuer, eh bien, il peut le faire. » explique Naguei, une des fondatrices du village, au magazine Jeune Afrique.

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